Publié le 21 février 2022

Attaquer la solidarité mutualiste, c’est attaquer la solidarité nationale

Les gouvernements successifs suivent, depuis une trentaine d’années, l’agenda libéral. En matière de protection sociale, ils rognent sur la Sécurité sociale en l’asphyxiant financièrement alors même que les besoins vont croissant. C’est le rôle dévolu au trop fameux « trou de la Sécu », créé artificiellement par une limitation des recettes pour justifier l’austérité. Cette solidarité nationale dégradée est le contexte dans lequel d’autres solidarités s’organisent au quotidien dans les mutuelles, sociétés de personnes (et non de capitaux), entreprises à but non lucratif (et non commerciales). Mais pour les mutuelles, la solidarité est à la fois un objectif et un moyen.

 

Sécurité sociale et mutuelles, partenaires pour la solidarité nationale

Ensemble, Sécurité sociale et mutuelles travaillent à rendre effectif le droit inaliénable de chacune et chacun à la santé. Elles conjuguent leurs actions pour faire en sorte que le coût de santé qui reste à la charge du patient soit le plus limité possible. C’est ainsi que la France est le pays de l’OCDE où le reste à charge en matière de santé est le plus bas. Il représente, en moyenne, moins de 10% des dépenses. A titre de comparaison, il est moitié moindre qu’au Royaume-Uni et représente le tiers de celui constaté en Hongrie.

Quoiqu’on en dise, et malgré des failles qu’il faut résorber, le « couple Sécu/mutuelles » protège efficacement les populations.
Le rôle de la mutualité au service de la solidarité nationale ne s’est historiquement jamais limité au remboursement de frais de santé. Dans le couple protecteur qu’elles forment avec la Sécurité sociale, les mutuelles assument aussi un rôle d’innovation pour améliorer le système de protection sociale, répondre aux nouveaux besoins ou aux besoins non encore couverts :

  • À travers leurs centres de santé pratiquant les « tarifs conventionnés », les mutuelles ont aidé à développer la régulation des tarifs de consultations et de soins dans les années 1950 et 1960. Cette régulation agit encore aujourd’hui.
  • Le tiers-payant a été inventé par la mutualité pour faire disparaître tout obstacle financier à l’accès aux soins. Le patient n’a pas à avancer d’argent. Ce dispositif efficace a ensuite été repris par la Sécurité sociale, notamment dans le domaine des médicaments, mais reste trop parcellaire pour les actes médicaux de ville.
  • Au cœur de la pandémie, les mutuelles ont pris en charge les consultations psychologiques. C’est cette démarche que la Sécurité sociale a prolongé dans un second temps en annonçant couvrir cette dépense de santé jusque-là non prise en compte.

L’innovation mutualiste se poursuit aujourd’hui. Ainsi, par exemple, les Mutuelles de France mettent à profit leurs savoir-faire de prise en charge de ce besoin vital qu’est la santé en les sollicitant pour de nouvelles modalités d’exercice de la solidarité – une réflexion est en cours sur les tiers-lieux – ou à d’autres besoins non moins vitaux comme l’alimentation. C’est le sens de l’expérimentation d’une « mutuelle alimentaire » qui permet l’accès à des denrées alimentaires de qualité pour une alimentation équilibrée à un coût maîtrisé.

La mutualité ne conditionne pas ses réponses aux besoins aux bénéfices financiers escomptées. Elle cherche des solutions solidaires et durables partout où les populations en ont besoin.

 

La solidarité mutualiste, un objectif exigeant

Depuis l’autorisation des sociétés d’assurance privées et lucratives dans le champ de la santé au début des années 1990, on constate qu’en matière de solidarité, la mauvaise monnaie chasse la bonne. Les pratiques libérales ont tendance à contaminer le secteur de la protection sociale. Pourtant, dans le cadre extrêmement contraint imposé par la vision libérale qui domine la société, la solidarité mutualiste demeure. C’est notre identité, le sens de notre action pour que le plus grand nombre puisse accéder à une santé de qualité :

  • Les mutuelles ne pratiquent pas de sélection en fonction de l’état de santé des personnes ou des revenus dont chacun dispose.
  • Elles accueillent les titulaires de la complémentaire santé solidaire, alors même que l’État ne donne pas les moyens suffisants pour le faire correctement et assurent le suivi qui permet l’effectivité de ce droit.
  • Les fonds mutualistes contribuent au développement des services de soins et d’accompagnement mutualistes où l’on est pris en charge sans avances de frais, sans dépassement d’honoraires, et souvent là où l’offre médicale libérale fait défaut.
  • Les mutuelles réalisent chaque année des milliers d’actions de solidarité directe en lien avec des structures d’aide aux plus démunis : aide à l’accès aux soins, accompagnements vers le recours aux droits, etc.
  • La mutualité est aussi une puissante actrice de prévention, dans un système de santé qui peine à sortir du « tout curatif ». Elle sait proposer aux millions d’adhérents mutualistes et à l’ensemble de la population des ateliers de prévention et de bien-être qui développe une utile culture générale sanitaire.

Mais la solidarité n’est pas seulement un objectif en mutualité. C’est aussi un moyen.

 

La solidarité, un outil efficace !

La logique assurantielle en santé d’individualisation des risques conduit à une démarche du chacun pour soi : « je paye pour me protéger moi ». Elle s’appuie non pas sur un droit commun mais sur une vision segmentée de population qui serait éclatée en archipels qu’elle traite comme tels : les actifs versus les retraités ; les titulaires de l’AME versus les bénéficiaires de la CSS versus la population générale ; les salariés du privé versus les fonctionnaires ; les salariés versus les non-salariés, etc.

La dynamique mutualiste consiste précisément en l’inverse : organiser une solidarité réciproque entre égaux, indépendamment de la situation de chacun qui, de toutes façons, varie dans le temps. Le système qui permet la solidarité entre malades et bien portants, entre riches et pauvres, entre jeunes et vieux trouve son équilibre dans la diversité des situations prises en charge.

C’est bien cette logique qui a présidé à la création de la Sécurité sociale à laquelle, au départ, chacun contribuait selon ses moyens et, de laquelle, chacun recevait selon ses besoins. Logique vertueuse qui a transformé largement la société et a permis de nombreux progrès.
Prenons un exemple. Si depuis 1950 la mortalité infantile a été divisée par plus de 13, ce n’est pas seulement grâce aux progrès médicaux. Ces derniers ne nous seraient que d’un faible secours s’ils n’étaient pas accessibles à tous. Et c’est bien la Sécurité sociale et la mutualité qui les rendent accessibles.

 

La solidarité, un outil menace

C’est ni plus ni moins ce formidable outil de progrès pour tous que cassent les libéraux en cherchant à marchandiser des droits individuels différents et en dégradant le droit commun à tous. La solidarité nationale voit ses moyens rognés à force d’exonérations de cotisations sociales, trop souvent désignées improprement par l’expression « charges sociales ». La solidarité mutualiste est quant à elle entravée par la logique assurantielle et son bras armé, l’assimilation règlementaire qu’opèrent les directives européennes avec l’assentiment des gouvernements.

Nous le savons, les attaques libérales visent à transformer le pot commun mutualiste en une source de profits juteux. Ce mouvement ne constitue qu’une étape avant la libéralisation de la Sécurité sociale : ceux qui attaquent le principe de solidarité mutualiste fragilisent le principe de solidarité inhérent à la Sécurité Sociale, la solidarité nationale.

Face aux remises en cause du système actuel de santé et au « mutuelle bashing », la Mutualité doit s’exprimer d’une seule voix et porter un discours offensif pour défendre le couple Sécu-mutuelles.

La pandémie en a fait l’éclatante démonstration : en matière de santé et de protection sociale, solidarité et universalité sont mères de sûreté. Le virus ne s’intéresse ni à la couleur de peau, ni à l’épaisseur du portefeuille, ni au statut : aucun bunker ne sera jamais assez épais pour protéger qui que ce soit contre la maladie.

Dès lors, le consentement à la solidarité n’est pas une position morale mais un choix rationnel et efficace. La voie solitaire est une impasse. La voie solidaire est l’horizon nécessaire, indispensable. Non seulement parce qu’une société en sécurité sociale est une société en meilleure santé mais aussi, plus globalement parce qu’une société bien protégée des aléas de la vie est une société de femmes et d’hommes plus libres.