Des OGM pour soigner les hommes et prévenir les maladies
L’utilisation des OGM à des fins thérapeutiques fait l’objet d’un large consensus, à tel point que l’opinion publique ne se souvient plus que plusieurs maladies, et non des moindres, comme le diabète, ont été gérées grâce aux avancées biotechnologiques. De même, ils ont révolutionné la fabrication des vaccins, diminuant fortement leurs effets secondaires indésirables.
Avancées thérapeutiques à partir de cellules ou de micro-organismes génétiquement modifiés
Il y a plus de trente ans, dans les années 1980, des micro-organismes et des cellules, cultivés en incubateur pour une production industrielle, ont été modifiés génétiquement pour fournir des hormones humaines.
Voici trois exemples de progrès thérapeutiques apportés par ces OGM :
- la synthèse d’insuline humaine pour traiter le diabète, commercialisée depuis 1982 : synthétisée par une bactérie très répandue, Escherichia coli, qui a été modifiée par génie génétique pour y inclure le gène humain codant cette hormone, cette insuline, totalement identique à celle que produit le corps humain, réduit considérablement les risques d’allergie chez les patients. Auparavant, il fallait recourir à de l’insuline de porc extrait du pancréas de l’animal. Bien que très semblable à l’insuline humaine, l’insuline porcine en diffère par un seul aminoacide, ce qui pouvait provoquer des accidents thérapeutiques ;
- la synthèse de l’hormone de croissance (somatotrophine ou GH-Growth Hormon) utilisée pour traiter le nanisme, plusieurs anomalies génétiques ou une insuffisance rénale : longtemps extraite des hypophyses de cadavres humains, cette hormone de croissance pouvait être infectée par divers virus ou des prions, qui sont des glycoprotéines anormales responsables de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (encéphalopathie spongiforme subaiguë). Il s’agit d’une maladie neurodégénérative qui engendre des troubles psychiques évoluant rapidement vers la démence. Cette pathologie est aussi identifiée chez les ovins (tremblante du mouton) ou chez les bovins (encéphalopathie spongiforme bovine). Cette dernière a fait l’actualité dans les années 1985-2004 avec ce qu’on a appelé la « crise de la vache folle ». Depuis 1988, l’hormone de croissance prescrite en France n’est plus extraite des cadavres mais produite par génie génétique à partir de micro-organismes génétiquement modifiés, éliminant le spectre de ces contaminations aux conséquences dramatiques ;
- la production de l’EPO ou érythropoïétine : il s’agit d’une hormone naturelle rénale (80 %) ou hépatique (20 %) qui stimule la fabrication de l’hémoglobine et des globules rouges par la moelle osseuse, et améliore ainsi le transport de l’oxygène vers les tissus. Son administration est indiquée chez les patients souffrant d’anémie et d’insuffisance rénale. Elle a été utilisée aussi à d’autres fins dans certains milieux sportifs où le dopage est répandu. Depuis 1983, une EPO de synthèse industrielle est commercialisée : les méthodes de génie génétique ont permis de produire en laboratoire cette protéine recombinante [1] humaine qui fait partie aujourd’hui de l’arsenal thérapeutique hospitalier. L’usage de l’EPO n’est pas anodin et doit être surveillé : des effets secondaires (risques de thromboses, hypertension artérielle ou cancer de la moelle osseuse) se sont manifestés.
Les OGM ont aussi révolutionné la production de vaccins. Pendant longtemps, on a vacciné par administration d’agents pathogènes affaiblis ou tués (vaccination active), ou de fragments de pathogènes ou d’anticorps actifs (vaccination passive) contre l’agent infectieux dont on voulait se prémunir. La mise au point de ces vaccins était à cette époque compliquée et longue. Grâce au génie génétique, dès 1983, plusieurs vaccins recombinants, contre l’hépatite B ou la grippe, mais aussi la variole, l’hépatite A et la poliomyélite, le tétanos ou le vaccin HPV (contre le papillomavirus humain agent de cancers) ont été produits à partir de cultures cellulaires ou de micro-organismes génétiquement modifiés.
Productions de molécules thérapeutiques extraites d’animaux et de plantes génétiquement modifiées
On peut aujourd’hui obtenir des protéines d’intérêt pharmaceutique non seulement à partir d’organismes unicellulaires mais aussi des organismes supérieurs pluricellulaires comme des animaux et des plantes génétiquement modifiés (GM).
- à partir de lait d’animaux GM : par exemple, de l’antithrombine (III) humaine, une glycoprotéine plasmatique qui a des propriétés anticoagulantes, est obtenue à partir du lait de chèvre. Depuis 2006, elle est commercialisée pour prévenir les thromboses veineuses ainsi que dans certains traitements des accidents thromboemboliques. Une autre glycoprotéine, appelée C1-Inhibiteur (ou, de manière plus complète, inhibiteur de l’enzyme C1 estérase) a été produite dans du lait de lapine en 2010. Cette glycoprotéine humaine est utilisée dans la prise en charge d’une maladie génétique rare, l’angio-oedème héréditaire. Plus récemment, en 2017, le lait de lapine transgénique a permis de produire une autre protéine ayant des effets contre le choc septique, la PLPT ou Plasma Phospholipid Transfer Protein [2] ;
- à partir de plantes GM : des molécules médicamenteuses sont également extraites de plantes GM cultivées dans des serres ou en plein champ, ou de cellules végétales transformées en fermenteur. Un traitement à partir de cultures cellulaires de carotte transgénique produisant une protéine recombinante, la taliglucérase alfa, a ainsi été mis au point pour lutter contre la maladie de Gaucher, une maladie héréditaire rare due à un déficit enzymatique qui provoque l’accumulation anormale de lipides dans l’organisme. Un autre exemple est la production d’anticorps anti-Ebola, au terme de manipulations complexes, produits à partir de tabac génétiquement modifié et cultivé aujourd’hui en plein champ [3].
Par Catherine Regnault-Roger, Professeur des Universités émérite, membre de l’Académie d’agriculture de France et de l’Académie nationale de Pharmacie, auteur d’une série de trois notes pour la Fondation pour l’innovation politique (janvier 2020), en libre accès sur www.fondapol.org, OGM et produits d’édition du génome : enjeux réglementaires et géopolitiques, Des outils de modification du génome au service de la santé humaine et animale et Des plantes biotech au service de la santé du végétal et de l’environnement.
[1] Recombinante car produite par une cellule dont l’ADN a été modifié par génie génétique.
[2] Voir Louis-Marie Houdebine, « Les nouveaux outils des biotechnologies animales »,
in Catherine Regnault-Roger, Louis-Marie Houdebine et Agnès Ricroch (dir.), op. cit., p. 67-92.
[3] Voir Agnès Ricroch, « Biotechnologies végétales : applications et perspectives agricoles »,
in Catherine Regnault-Roger, Louis-Marie Houdebine et Agnès Ricroch (dir.), op. cit., p. 93-114.